05.05.2020
Conseils d'experts

Les “Oups” : comment la relation client par téléphone souffre des interjections ?

4 min à lire

relation client téléphone

 

Dans son blog Sens du client, Thierry Spencer, Directeur associé de l’Académie du Service, nous initiait aux mots qui tuent, toutes ces maladresses qui transforment la relation client et l’expérience client en irritants.

Valérie Bignon, Directrice de projet à l’Académie du service, s’est prêtée à l’exercice de décryptage des « oups du téléphone » et de ses conséquences sur la qualité du service

En 2019, 8 Français sur 10 ont contacté un service client et 55% d’entre eux ont utilisé le téléphone (Source : BVA Observatoire des services clients)  

Comment évaluer la qualité de la relation client par téléphone ? 

Evidemment, il s’agit déjà d’évaluer la satisfaction du client sur l’attente, la solution proposée ou l’amabilité du professionnel. Mais pour aller plus loin, vous pouvez lui demander si la conversion était fluide, sans accroc, et donc sans « oups ». 

 

Que se cache-t-il derrière ces « oups » ? 

Chacun de nous a déjà pu l’expérimenter, la relation client par téléphone peut vite devenir laborieuse, voire même cocasse.

N’avez-vous jamais entendu ou vous-même utilisé ce que nous appelons des interjections ? Les mots qui expriment un sentiment, qui comblent un vide, un silence ?

Toujours est-il que grammaticalement, elles n’ont aucun rôle et surtout, la question que vous devez vous poser est  la suivante : sont-elles rassurantes ou irritantes pour votre interlocuteur ? 

Voici l’exemple d’une conversation téléphonique entre un client et un employé, dans une entreprise de service. Nous avons mis en gras tous ces mots qu’il nous arrive de prononcer sans même nous en rendre compte ! 

  • Bonjour, je souhaiterais parler à Monsieur Rivière, le commercial en charge de mon compte 
  • Bonjour Madame, euh Monsieur Rivière est absent pour le moment. Puis-je vous aider ? 
  • Je souhaitais lui parler, c’est personnel. Savez-vous à quel moment je peux le joindre ? 
  • Hum hum hum Je vais regarder son agenda, tutut, ah le voilà, euh agenda un peu chargé… Oh là làzut ! Monsieur Rivière est en réunion jusqueuhhhhhh 15h00. Souhaitez-vous qu’il vous rappelle ? 
  • Je serais en réunion Puis-je lui laisser un message ? 
  • Mais oui, bien sûr. Aie, où est mon stylo… Je prends de quoi noter. Hop, un post-it, hop un stylo et voilà, hop je suis à vous.  
  • Demandez-lui de me rappeler, je suis madame Berthonnet de l’entreprise Oritsuru International et mon numéro est le 07 08 09 10 11 
  • OK. Madame Berthonnet j’ai bien noté votre numéro 07 08 09 10 12 C’est bien cela ? 
  • 11 à la fin, pas 12. 
  • Oups, je corrige tout de suite, veuillez m’excuser. Voilà qui est fait, je lui colle le petit post It sur son bureau.  
  • Merci Bonne journée  
  • Bonne journée Madame Berthonnet 

Reprenons le déroulement de cette conversation. Nous relevons un grand nombre de ces « oups » : euh, aie, hum hum, zut, oh là là, hop, oups, ok, ainsi que certains bruits tels que « tututtt ».  

 

Que viennent combler ces interjections ? 

Pour travailler sur votre relation client par téléphone, il est important de comprendre le sens de ces “oups”. Alors, comment expliquer ces interjections incontrôlées ? 

Première hypothèse : la proactivité 

Parfois, ce qui part d’une bonne intention de la part d’un employé (envie d’agir vite, d’apporter une solution efficace et rapide) peut être interprétée comme « je ne prends pas le temps pour mon interlocuteur ».

Dans l’exemple, Madame Berthonnet a-t-elle évoqué qu’elle était pressée ? Non. 

Il n’y a aucune raison de ne pas prendre quelques minutes de plus pour échanger avec elle. 

 

Deuxième hypothèse : le souci technique 

Lors d’une relation client par téléphone, vous pouvez aussi être freiné par la lenteur de l’outil qu’il utilise. Cela peut générer chez vous un peu d’impatience ou de nervosité

Madame Berthonnet en est-elle responsable ? Le ressent-elle ? Sans doute, ou pas. 

 

Troisième hypothèse : la peur du blanc

La crainte du silence est la cause de nombre de ces interjections. Au lieu de cela, vous pourriez envisager d’expliquer au client ce que vous êtes en train de faire. Par exemple : « le temps d’ouvrir l’agenda de Monsieur Rivière » 

Enfin, il arrive qu’une relation client par téléphone souffre de ces “oups” car vous craignez de devoir justifier la non-disponibilité de Monsieur Rivière. 

 

Relation client par téléphone : comment éviter  “les Oups” ? 

Voici une série de conseils pour vous aider à améliorer votre relation client par téléphone :

  • Prendre le temps de la conversation, de l’échange. Madame Berthonnet souhaite joindre Monsieur Rivière de manière personnelle. Vous ne pouvez donc pas l’aider comme proposé en début d’entretien. Cependant, elle appréciera votre disponibilité.
  • Expliquer ce que vous faites sans justifier votre action. Préférez la formule : « J’ouvre l’agenda de Monsieur Rivière et cela prend quelques secondes. »
  • Exprimer les faits de manière concise et claire. Une bonne façon de communiquer pourrait être : « J’ai son agenda sous les yeux et je vois qu’il est en réunion jusque 15h ».
  • Laisser le choix à votre interlocuteur  avec une formule du type : « Préférez-vous rappeler ou souhaitez-vous que je prenne un message ? »
  • Être prêt à prendre des notes  et faites-le savoir à votre interlocuteur en verbalisant : « Je note immédiatement vos coordonnées ».
  • Remercier votre interlocuteur pour son appel et assurez-le de votre disponibilité si besoin.

Éviter ces tics de langage, demande de l’entraînement voire de la persévérance, mais aussi l’assurance d’avoir toutes les clés personnelles ou opérationnelles pour ne pas se laisser piéger. 

 

Comment y mettre un terme ?

Une bonne façon est de demander de l’aider à vos collègues ou bien vous enregistrer. Une bonne relation client s’entretient en équipe, avec des feedbacks bienveillants de vos collègues ou de votre manager. 

À cette recommandation, on peut ajouter le fait que vos clients sont très sensibles aux efforts que vous ferez pour leur faciliter la vie, ce dont les collaborateurs n’ont pas toujours conscience. 

Dans le Baromètre de la Symétrie des attentions de l’Académie du service, nous apprenions que les collaborateurs surestiment de 31 points leur capacité à résoudre les problèmes des clients et réduire leur effort.

À la proposition « Avec eux je n’ai pas à faire des efforts pour que mes problèmes soient résolus », les clients répondent à seulement 41% qu’ils sont d’accord. Du côté des collaborateurs, lorsqu’on leur demande « Dans mon entreprise, nous faisons en sorte que les problèmes de nos clients soient résolus », ils sont plus de 70% à être d’accord ! 

C’est le plus grand écart de perception de ce baromètre. Les collaborateurs n’ont pas conscience du niveau d’exigence des clients et de leur sensibilité à toutes les manifestations de considération, dont l’absence de « oups » fait partie !