14.10.2019
Conférence Témoignages

Solvay : Transformation et culture de l’autonomie

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A l’occasion de l’édition 2019 de son colloque annuel Cultures Services, l’Académie du Service a choisi d’aborder “Les défis de la Symétrie des Attentions et les outils et solutions pour manager la transformation”. Au programme de cette journée riche en enseignements, des témoignages inspirants suivis de nombreux ateliers, ainsi que l’annonce du nouveau Label Symétrie des Attentions initié par l’Académie du Service.

Pour cette 13ème édition, l’Académie du Service a invité des speakers passionnés par leur métier et inspirés par “Les défis de la Symétrie des Attentions pour manager la transformation”. Retour sur la deuxième partie de la matinée avec l’intervention de Khatia Paulmier, ex-directrice de la transformation chez Solvay, sur comment encourager et animer la transformation au quotidien.

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Passionnée par les aventures humaines et d’entreprises, Khatia est une professionnelle reconnue pour son expertise dans la transformation d’organisation et les changements culturels d’envergure. Elle a eu l’opportunité de piloter des transformations d’ampleur internationale comme chez Solvay où elle y a passé ses 6 dernières années étant tour à tour DRH, leader RH en charge de l’intégration d’une entreprise de plus de 6 milliards d’euros de CA, puis Directrice de la Transformation. Avant de rejoindre Solvay en 2015, elle a été DRH Europe chez Redcats, holding regroupant 17 marques dont La Redoute. Elle a commencé sa carrière professionnelle chez British Telecom à Londres dans les ventes B2B de solutions complexes, avant d’évoluer vers le développement des talents et du leadership.

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Pouvez-vous nous présenter Solvay en quelques mots?

Solvay est une entreprise de chimie basée en Belgique, qui compte plus de 24 500 collaborateurs dans plus de 60 pays, 21 centres de recherche, mais aussi plus de 120 usines, pour un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros de CA.

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Vous étiez en charge de la transformation du groupe qui compte donc plus de 24 500 personnes. Quel est le sens du mot transformation ?

Le mot a souvent été mal utilisé, notamment pour cacher une restructuration. Avec le programme Oxygène, nous avons essayé d’opérer une vraie transformation avec le comité exécutif il y a trois ans. Le premier volet consistait à simplifier l’organisation pour rester concentré sur l’essentiel et se focaliser sur le client. Auparavant, nous étions assez nombrilistes ; nous avions davantage de réunions internes que de réunions externes. Le second volet reposait sur le changement culturel, à savoir comment accompagner les équipes à se réinventer, en développant trois piliers comportementaux : Meet customer needs, Take smart risks, et Trust.

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L’idée de cette transformation avait pour but d’apporter un peu “d’oxygène” ?

Dans la partie organisation, ce projet a impacté 1 200 postes. Nous avons demandé aux fonctions de se réinventer et de comprendre ce qu’elles devaient arrêter de faire, ce qui était inutile, ce qu’elles continuaient de faire et comment. L’objectif était de rendre l’organisation plus agile, parce qu’il y avait une souffrance à l’origine. Il y a une vraie fierté de participer à cette organisation basée sur l’innovation ; et en même temps une culture du “Je suis très occupé” : tout le monde est censé avoir un agenda très chargé, sinon cela signifie que l’on ne fait rien de ses journées. Et en parallèle, une culture parapluie qui consiste à se protéger et à mettre en copie beaucoup de personnes.

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Culture technique, process, organisation, etc. Pourtant, une transformation, c’est avant tout un changement culturel et comportemental. Est-ce que l’on peut dire que cette transformation est une aventure humaine qui commence avant tout par le manager ?

Une organisation, ce sont des hommes et femmes au cœur. Forcément, si on veut la transformer, il y a un changement humain qui s’opère. Et ça commence par les top leaders qui donnent le ton. Avec Oxygène, nous avons fait deux choses :

  • Ce n’est pas juste une transformation opérée par quelques-uns. Il faut embarquer plus de 24 000 personnes ; et logiquement, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Cela demande du temps et de vrais choix, pas toujours plaisants.
  • Cela demande aussi aux leaders de montrer leur part de vulnérabilité, et de changer de posture. Avec plus de 1 000 personnes, nous avons travaillé sur 3 piliers comportementaux. Pour ce faire, nous avons identifié les causes racines des dysfonctionnements de l’organisation ; dans ces causes racines, est ressorti le style managérial. Quand on a fait remonter ces informations au Comex, cela n’a pas été facile, mais nécessaire.

Nous avons organisé des communications régulières avec les 2 500 managers. Lors des conférences téléphoniques, j’ai demandé au CEO de l’époque de se dévoiler et de montrer qu’il prenait aussi le train en marche.

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Qu’est ce qui a été concrètement mis en place pour accompagner et déployer ce changement culturel ?

Je vais d’abord vous dire ce qui n’a pas été mis en place. Il a été décidé de ne pas lancer de programme de transformation imposé à une vaste majorité de collaborateurs. Nous avons opté pour la culture de l’autonomie, en demandant aux comités de direction des unités de business – qui sont au nombre de 16 – de réfléchir sur ce signifiaient les 3 piliers comportementaux : Meet customer needs, Take smart risks, et Trust. Nous avons aussi développé un réseau d’agents du changement ; une dizaine de personnes qui a eu un effet boule de neige dans chaque Business Unit. A distance, via la visio, nous avons créé une intimité et nous les avons fait monter en puissance grâce à la formation. C’est aujourd’hui un réseau qui vit sans moi et c’est une réussite. Dans la revue de performance annuelle, nous avons également intégré la partie comportementale. C’est une vraie révolution et nous ne sommes qu’au début de l’histoire.

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“Nous avons opté pour la culture de l’autonomie”

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Une transformation, ça se définit et ça s’accompagne. Mais comment se préparer à l’inattendu ?

On ne se prépare pas vraiment à l’inattendu, mais nous avons fait en sorte d’être à l’écoute des leaders et surtout du terrain. Nous avons notamment conçu une enquête de 15 questions envoyée aux managers que nous avons ensuite élargie aux autres collaborateurs tous les trimestres. Cela nous a permis de détecter des signaux faibles. En parallèle, nous sommes allés sur le terrain rencontrer les directeurs d’usine pour comprendre comment ils vivaient cette transformation et comment ils la subissaient pour certains. Le changement de CEO la veille de l’implémentation du projet, par exemple, n’était pas prévue et nous a forcément un peu déstabilisé, mais il faut savoir rebondir. Certaines personnes ont été totalement embarquées par le programme, particulièrement celles qui ont participé. Pour les collaborateurs qui ont suivi de loin, cela a été plus compliqué, d’où l’importance de l’accompagnement au changement. C’est un projet long mais nécessaire. Pour l’anecdote, les équipes achats avaient décidé, pour simplifier les process, de ne plus avoir besoin d’une autorisation du manager jusqu’à un certain montant. Cette initiative avait pour but de favoriser l’autonomie ; et seules certaines demandes d’approbation devenaient des exceptions. Finalement, 90% des demandes d’exception ont été réalisées. Nous nous sommes rendus compte que certaines personnes n’étaient pas prêtes à lâcher le morceau. Cela renvoie clairement à la peur de ne plus avoir d’utilité dans l’organisation.

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