16.10.2018
Conférence

EdInstitut : voyage, transformation et confiance

4 min à lire

Dans ce premier billet qui fait suite aux interventions lors du 12ème colloque Cultures Services, Philippe Studer, inspirateur de micro-rêves, gérant d’EDinstitut et auteur du livre Le voyage inversé, de l’entreprise à la tribu, raconte comment une expérience de voyage d’un an a totalement bouleversé sa vision managériale et comment son entreprise s’est transformée en conséquence.

Philippe Studer (EDinstitut) : “En tant que dirigeant, il faut placer son ego au service du collectif”

Dans ma vie, je m’étais promis de réaliser deux rêves : créer une entreprise et parcourir le monde. Ce sont deux voyages différents, certes, mais qui provoquent des rencontres dans les deux cas. Voyager sans aller à la rencontre de l’autre, ce n’est pas voyager mais se déplacer ; c’est pareil pour les managers qui ne vont pas à la rencontre de leurs équipes.

J’ai donc créé ma société, EDinstitut, en 1985. En 2007, l’organisation était passée de 2 à 80 personnes. J’étais asphyxié par les PCR (Process Reporting Control), pressé et stressé, je n’avais pas le temps, je répétais que ce n’était pas possible, et au pire, que de toutes façons, je n’avais pas le temps. J’étais devenu un manager paternaliste qui faisait de la communication descendante ; il ne fallait pas contredire mes choix. En somme, je n’étais plus aligné avec moi-même et mes équipes ; et c’est un facteur extérieur qui m’en a fait prendre conscience.

Retrouver du confort au travail

C’est à ce moment-là que j’ai décidé de réaliser mon second rêve : voyager. J’ai dit à mes deux associés : “Appelez-moi seulement s’il y a une inondation, un incendie ou un dépôt de bilan.” Je suis donc parti avec mon épouse et mes enfants à la rencontre de peuples chasseurs cueilleurs dans différents coins du monde. Là bas, j’y ai retrouvé l’essentiel.

Un an plus tard, je suis rentré et j’ai retrouvé mon entreprise ; et c’était compliqué. Alors qu’on venait juste de passer la crise de 2008, les équipes avaient fait plus de 15% de résultats en mon absence. Sauf que je ne pouvais plus travailler comme avant, cela n’avait plus de sens. Je me suis dit : soit on fait différemment, soit je pars. Après une semaine de réflexion, on a décidé avec mes associés de nous donner 6 mois pour retrouver du confort au travail.

S’occuper des équipes avant le client

Nous avons identifié avec les équipes les 20% de clients qui posaient 80% de nos soucis. Alors, certes, ça peut faire peur de se séparer de certains clients, mais finalement, ça ouvre des portes et c’est beaucoup plus intéressant. Nous avons repéré les tâches qui n’apportaient pas de valeur pour les externaliser. Nous avons perdu de la marge brute sur le coup, puis nous avons rapidement récupéré notre retour sur investissement. Enfin, nous avons annoncé aux équipes qu’on allait s’occuper d’elles avant le client.

Générer du plaisir en revanche, c’est plus difficile et plus long à faire. Cela a pris près de 3 ans. Pour cela, je suis revenu avec quelques inspirations de mon voyage et des peuples racines rencontrés, pour instaurer des préceptes dans l’entreprise :

  • Ne cherchons pas à motiver, mais faisons-nous confiance
  • Ne nous prenons pas au sérieux, mais faisons-nous plaisir
  • Lâchons prise et prenons un temps de respiration ; ça se cultive
  • Donnons du sens à nos actions ; demandons-nous pourquoi on le fait
  • Donnons du temps, en faisant du bénévolat
  • Prenons soin les uns des autres

Concrètement, ça a tout changé ; et le premier changement c’est le mien : je suis devenu un gardien de la vision et un porteur d’eau. Nous n’avons jamais autant travaillé sur la vision, nos valeurs et notre cadre. Chez nous, c’est très simple : on s’organise comme on veut en respectant deux objectifs :

  • Chercher son équilibre entre vie professionnelle et personnelle
  • Assurer la satisfaction du client

Travailler la liberté et la créativité

On a notamment beaucoup travaillé sur l’écoute ; on n’était pas respectueux de la parole auparavant. Pour les décisions stratégiques, on va s’installer en salle zen, pièce qui est devenue la plus importante où l’on se ressource. On y va sans chaussures, sans écrans, sans nourriture et sans quoi que ce soit pour noter. Récemment, nous y avons passé trois heures pour gérer une crise et prendre une grande décision stratégique. Pendant ces trois heures, je n’ai rien dit et on est ressortis avec une décision importante que nous sommes en train de réaliser actuellement.

Même principe pour les séminaires : il n’y a plus d’ordre du jour, on fait ce dont on a envie au moment présent. C’est comme ça que nous avons été créatifs et que nous avons pris nos décisions stratégiques. Autre changement : les micro-rêves. Chaque année, nous imaginons de nouveaux projets : conception d’une conférence TedX, création de la salle zen, organisation d’un tandem Paris-Strasbourg, etc. Nous nourrissons ainsi des challenges collectifs et individuels.

Placer son ego au service du collectif

Quand on voit le chemin parcouru, on se dit que personne ne peut revenir en arrière. En revanche, c’est plus exigeant sur la vision et les valeurs. En tant que dirigeant, il faut avoir une écoute basse et placer son ego au service du collectif. Désormais, je ne suis plus méfiant, je n’ai plus besoin de porter un masque, je ne rumine plus tout seul, je partage avec les autres.

Ces peuples racines que j’ai rencontrés lors de mon voyage, nous les avons reçus à Strasbourg. A travers leurs différentes découvertes de notre cadre et de nos modes de vie, leur grande question était : “Pourquoi vous voulez aller si vite et surtout vers où vous souhaitez aller ?”

 

Les moments forts du 12ème colloque Cultures Services en vidéo

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